
Le surdoué nourrit un rapport complexe à l’effort et à la difficulté : selon l’expression consacrée, le surdoué “a des facilités” dans un ou plusieurs domaines, ce qui n’est pas aussi enviable qu’il y paraît ! La réponse à tel problème de physique apparaît de façon évidente à l’élève surdoué, mais l’enseignant lui reproche de ne pas rendre visible son raisonnement, ses camarades le jalousent et ses parents lui reprochent de ne pas faire mieux “avec les facilités que tu as” !
Je voudrais vous inciter à vous réjouir de vos facilités, plutôt qu’à les dissimuler ou à vous excuser de fonctionner différemment des autres. Ces dons sont constitutifs de votre identité profonde et ils vous offrent l’opportunité d’apporter une contribution originale au monde.
Comment en tirer parti ? En apprenant à équilibrer facilité et persévérance.
Travaillez votre persévérance
Les travaux de la psychologue Angela Duckworth, traduits dans le livre « L’Art de la niaque »1, montrent que le facteur clé de la réussite n’est pas l’intelligence seule, mais bien plutôt la capacité à persévérer pour atteindre un objectif de moyen / long terme. Un temps professeure de mathématiques, elle a observé que les élèves qui avaient les meilleurs résultats n’étaient pas les plus brillants, mais ceux qui travaillaient le plus, ce qui l’a incitée à mener des recherches sur notre capacité à fournir des efforts dans la durée.
Or, cette capacité n’a pas toujours été suffisamment développée chez les surdoués pour de multiples raisons : ils ont eu tendance à se reposer sur leurs facilités ; certains n’ont pas eu l’opportunité de repérer et développer leurs talents ; d’autres évoluent dans un environnement d’impuissance acquise où tout effort semble voué à l’échec, etc. Confrontés à une difficulté - cela leur est inhabituel - les surdoués peuvent être tentés de jeter l’éponge plus rapidement que ceux qui ont moins de facilités.
Angela Duckworth a repéré une condition majeure pour muscler sa persévérance : être doté d’un état d’esprit de croissance, c’est-à-dire avoir la conviction que vous êtes capable d’apprendre et de vous développer. Si vous pensez au contraire que votre potentiel est limité à tout jamais et que vous ne progresserez pas, vous aurez du mal à mobiliser votre ténacité.
La ténacité sur le long terme s’entraîne, en commençant par des petits pas, au départ sur des actions à faible enjeu. Repérez des moments de la vie quotidienne où vous êtes tenté d’arrêter votre activité en cours. Par exemple vous êtes en train de désherber le jardin, et efforcez-vous de persévérer 5 minutes, pour le geste. Allez, encore une jardinière ! Petit à petit, passez à des enjeux plus conséquents et concentrez-vous sur votre zone de talents (qui n’est peut-être pas le jardinage). Comme l’affirme Ollivier Pourriol, dont l’ouvrage est présenté ci-dessous, « les grands changements se produisent indirectement, par l’accumulation continue de décisions minuscules ».
Faites preuve de discernement : dosez vos efforts
Enfin, la vraie preuve d’intelligence, consiste à distinguer les situations où il est pertinent de tirer parti de ses facilités, de pratiquer le moindre effort, de s’en tenir au « juste assez » et celles où il convient de se dépasser et de persévérer car cela vous fera grandir. À vous d’évaluer le juste niveau d’effort à fournir.
Recommandation de lecture
Décomplexant et utile !
Il l’avoue lui-même, Ollivier Pourriol s’est parfois laisser aller à la facilité dans l’écriture de « Facile : l’Art français de réussir sans forcer » (éd. Michel Lafon, 2018), montrant ainsi qu’il s’applique son propos à lui-même ! Au-delà de la boutade, l’auteur décortique de façon cultivée notre suspicion envers ce qui semble facile et il s’attache à réhabiliter une facilité intelligente bien loin de la complaisance ou de la négligence. S’appuyant sur le partage d’expérience de philosophes, d’artistes, de sportifs, il dégage quelques grands principes pour trouver le bon niveau de facilité. Il nous autorise aussi à renoncer lorsque le niveau d’effort requis pour atteindre un objectif relève de la « négation de soi ». Pourquoi renoncer ? Parce que pour atteindre l’excellence dans un domaine, il faut « le travail et le don », or nous pouvons admettre de ne pas être doués dans toutes les disciplines. À méditer lorsque surgit la tentation de se soumettre à une pression excessive !
Citation inspirante
Il faut beaucoup de temps pour être un génie, il faut rester assis à ne rien faire, vraiment ne rien faire. Gertrude Stein
L’ouvrage est beaucoup plus intéressant que ne le laisse penser le titre racoleur !
Merci beaucoup, ça me parle énormément !