Dans un précédent numéro, nous avons vu que le rapport du surdoué à l’effort est compliqué, car grâce / à cause de ses « facilités », le surdoué a rarement été obligé de fournir des efforts et cela finit par limiter son potentiel.
Il en est de même dans le domaine de l’apprentissage. Les surdoués ont des facilités cognitives : Ils absorbent les informations comme une éponge, font spontanément des connexions créatives entre différents sujets et sont capables de traiter ces données de façon globale et plus rapidement que d’autres. Ce sont des avantages considérables pour apprendre, mais lorsque le sujet devient complexe, le surdoué peut se trouver confronté à une phase plateau : il ne progresse plus et s’il n’a pas développé sa capacité à faire des efforts, il risque de régresser, voire d’abandonner, frustré.
Pour davantage tirer parti de ses facultés cognitives, les surdoués gagneraient à structurer leur façon d’apprendre, mais bien souvent personne ne leur a appris à le faire et eux-mêmes n’en ont pas ressenti le besoin.
Voici quelques principes que j’ai pu dégager du livre de Josh Waitzkin, L’art d’apprendre, présenté ci-dessous.
1) Transmettre ce que l’on sait déjà
Lorsqu’il a décidé d’écrire un manuel d’échecs pour des débutants, Josh Waitzkin s’est aperçu que ce travail de transmission l’obligeait à formaliser un savoir tacite, à découper un processus en étapes, à procéder de façon incrémentale et à structurer ses connaissances là où l’intuition avait pris le dessus. Être obligé de définir des concepts avec lesquels on a l’habitude de jongler est également une excellente pratique. Cet exercice d’écriture lui a été bénéfique et l’a aidé à repérer des patterns, des modes de fonctionnement récurrents.
Vous n’avez pas besoin de vous lancer dans l’écriture d’un livre pour vivre ce processus d’apprentissage. Pratiquez le mentorat, tenez un blog ou rédigez des articles LinkedIn sur votre domaine d’expertise pour bénéficier de cette prise de recul sur votre processus d’apprentissage. Et n’attendez pas d’être “l’expert” du domaine ! Vous pouvez très bien partager votre processus d’apprentissage dès vos débuts, cela profitera à d’autres !
2) Commencer par la fin
Voilà qui peut sembler contre-intuitif ! Lorsqu’il a commencé à jouer sérieusement aux échecs, Josh Waitzkin a bénéficié d’un apprentissage original : au lieu de lui faire travailler quantités d’ouvertures possibles, ce qui fait souvent partie des premières étapes, son professeur n’a disposé que trois pièces sur l’échiquier : un roi et un pion contre l’autre roi. En travaillant les derniers coups d’une partie, Josh a mieux compris la puissance du roi et la subtilité des pions.
Ils ont ensuite travaillé avec une tour, un cavalier, etc. Josh a ainsi assimilé les spécificités de chacune des pièces et leurs interactions alors que les autres enfants apprenaient par cœur des ouvertures. Cette façon de procéder lui a apporté un avantage considérable dans la compréhension du jeu et de ses tensions internes.
Dans la discipline que vous cherchez à apprendre, quel pourrait être l’équivalent de cette pratique surprenante ?
3) Trouver le juste niveau de difficulté
Lorsque nous apprenons une nouvelle discipline, nous sommes régulièrement confrontés à une phase plateau. C’est le moment où nous ne progressons plus. Bien souvent, nous nous contentons du niveau atteint : Mon allemand est « intermédiaire », mon crawl est correct, je joue au tennis avec le même partenaire et nous réalisons à peu près les mêmes scores à chaque match. De la même manière, Josh Waitzkin a rencontré dans ses tournois d’échecs des enfants probablement doués, mais qui se refusaient à affronter des adversaires plus forts qu’eux par peur de la défaite. Ils se sont condamnés à ne plus progresser. Josh, au contraire, a fait en sorte de constamment jouer contre des personnes un peu plus fortes que lui. C’est le « un peu » qui compte ! Certes, il perdait régulièrement, mais sans être complètement laminé. Ainsi, l’échec a fait partie de son apprentissage et n’a donc pas été perçu comme un drame, mais comme une étape. En outre, c’est en se confrontant à un niveau de difficulté légèrement supérieur qu’il a pu continuer d’apprendre et de progresser.
Il existe bien d’autres façons d’apprendre à apprendre et c’est un sujet que je continuerai de creuser dans cette newsletter.
Recommandation de lecture
Un parcours réellement inspirant
Le mot “inspirant” est parfois galvaudé, mais il me semble justifié de l’appliquer à L’Art d’apprendre de Josh Waitzkin. Je l’ai relu pour écrire ce billet et j’y ai trouvé de nouvelles pépites, alors que mon exemplaire est déjà abondamment surligné !
Je mettrais en lumière ces deux points :
L’ouvrage est un vrai manuel pour apprendre à apprendre et pour atteindre un haut niveau de performance, car Josh aborde chaque nouvelle discipline avec méthode. Ainsi, il apprend très rapidement et parvient à concourir avec les meilleurs. Il partage les points clés de sa méthode et vous verrez votre petit match de tennis tranquille du dimanche d’un autre oeil !
L’auteur sait passer d’une discipline éminemment cérébrale, les échecs, aux arts martiaux (une forme de tai chi) où il décroche là aussi des titres internationaux… Il est assez rare de voir des personnes réussir à la fois dans le domaine cérébral et physique. Les surdoués sont parfois maladroits, mal à l’aise dans leur corps et préfèrent souvent investir le domaine intellectuel. Cet ouvrage montre que l’on peut être performant dans tous les domaines et surtout, il donne des clés pour y parvenir. Alors ressortez votre raquette, votre maillot de bain, vos bottes d’équitation, vous n’avez plus d'excuses !
Citation inspirante
C'est rarement une technique mystérieuse qui nous conduit au sommet, mais plutôt une maîtrise profonde de ce qui pourrait bien être un ensemble de compétences de base. Josh Waitzkin