La question « Qu’as-tu fait de tes talents ? » se trouve dans la parabole des talents, dans l’évangile de Matthieu (25, 14–30). Dans le contexte de l’époque, le talent est une monnaie, mais il a pris le sens de don. Selon la parabole, chacun reçoit plus ou moins de talents, mais nous sommes tous enjoints à faire fructifier ceux que nous avons reçu.
Lorsqu’ils prennent conscience de leur don, beaucoup de surdoués réalisent aussi la responsabilité qui lui est liée : je suis doté de capacités intellectuelles supérieures à la moyenne, qu’est-ce que je peux bien en faire ? Les réponses partent dans deux directions opposées :
Option numéro 1 : Camoufler ses talents
Camoufler ses talents, c’est se fondre dans la masse, éviter de se faire remarquer par ses questions et autres réflexions parfois caustiques, ou encore dissimuler des centres d’intérêts atypiques. Cette option conduit à une impasse. Certes, cette stratégie a permis au surdoué, souvent dès l’école, d’assurer son appartenance au groupe et d’éviter les jalousies. Mais le prix à payer de cette stratégie de camouflage est lourd : ennui profond, sentiment de décalage, verrouillage de son intelligence, de ses émotions et de sa créativité, sentiment de gâchis et de régression… Cela continue à l’âge adulte et cause de nombreuses souffrances dans la vie professionnelle où, là non plus, il ne faudrait pas sortir du lot ! Camoufler ses talents en adoptant un « faux self » pour privilégier le sentiment d’appartenance revient à remplacer une souffrance par une autre.
Option numéro 2 : Assumer pleinement ses talents
Chercher à tirer parti de ses talents, c’est assumer sa différence, repérer les formes d’intelligence où l’on excelle, chercher à les développer et à les mettre à profit tant pour soi que pour la communauté. Voilà qui est a priori plus prometteur et plus enthousiasmant. Bien des surdoués y parviennent et s’épanouissent. Mais d’autres vivent leurs dons comme une responsabilité écrasante. Ils se sentent coupables d’avoir reçu ces talents que d’autres n’ont pas : « J’ai des facilités et je ne sais pas comment les utiliser ». Certains concluent parfois de façon abrupte « Je gâche mes talents, ma vie est un échec. »
Faire fructifier ses talents dans la légèreté
Avoir reçu plus de talents que la moyenne est une vraie responsabilité, mais faisons l’hypothèse que cette responsabilité puisse s’exercer sans porter un fardeau, et au contraire, se vivre dans l’enthousiasme, la légèreté et le plaisir.
Remémorez-vous les moments heureux, où vous avez pu nourrir votre curiosité intellectuelle sans vous préoccuper d’un examen final, du regard des autres ou encore d’une quelconque recherche de rentabilité : des moments où vous avez pu vous attaquer à des sujets ou problèmes complexes et faire émerger de nouvelles pistes ; des moments où vous avez pu créer quelque chose de nouveau ; des moments où vous avez pu bombarder de questions l’expert d’un sujet pointu et trouver enfin un interlocuteur qui partage les mêmes centres d’intérêt que vous …
Vous vous sentiez vivant, enthousiaste, plein d’énergie, ingénieux, inventif, joueur, léger. Vous ne voyiez pas le temps passer. Vous auriez voulu ne faire que ça !
Ce sont ces ressentis, le fameux état de “flow” décrit par Mihály Csíkszentmihályi que l’on peut retrouver lorsque l’on prend le temps de repérer ses talents ainsi que les occasions d’en tirer parti tant dans sa vie privée que professionnelle. Ce travail de repérage n’est pas toujours aisé, je vous présenterai la semaine prochaine plusieurs pistes pour vous y aider.
Recommandation de lecture
Un roman fondateur
La Nuit des enfants rois, de Bernard Lentéric (éd. O. Orban, 1981)
Ce roman a 43 ans et par certains aspects, peut sembler très daté. Il m’avait fait une profonde impression lorsque je l’avais lu adolescente puis relu comme jeune adulte. Je n’ai pas osé le relire récemment et je préfère rester sur ce ressenti positif. Je vous le recommande toutefois, car il aborde précisément la question de l’utilisation de ses talents en tant que surdoué : peut-on les utiliser pour se venger et commettre le mal ? Le roman pousse aussi très loin un phénomène que j’ai souvent vérifié à un degré moindre : le fait que les surdoués on tendance à se “reconnaître” entre eux. Bref j’y avais trouvé quelques pépites, je vous laisse juger si c’était un emballement d’adolescente ou si ce roman a (eu) aussi un impact important sur vous !
Citation inspirante
Reconnaître, honorer, respecter, faire fructifier et partager nos talents, du plus petit au plus grand, est un devoir pour l'équilibre du vivant. Clotilde Poivilliers in Zèbre zen, ouvrage présenté ici.