Les surdoués ont un point commun : ils sont curieux, et ce, dans le double sens du terme :
- Ils donnent l’impression d’être parfois étranges, décalés, atypiques : ils ne raisonnent pas comme tout le monde. Leur humour n’est pas toujours compréhensible. Ils sont hypersensibles et se désintéressent de sujets triviaux.
- Ils sont curieux de tout, en éveil, en veille, attentifs à leur environnement, désireux d’en comprendre le fonctionnement, avides de connaissances et rarement à court de questions !
Comment se concrétise cette curiosité intellectuelle ?
Les uns vont se plonger dans un sujet et chercher à le creuser le plus possible. Les autres vont préférer commencer par un sujet, puis se laisser embarquer par un thème qui lui lié, puis par un autre, en arborescence. Bien sûr, que vous soyez en mode « plongée » ou en mode « arborescence » comporte à la fois des atouts et des limites, à vous de rééquilibrer davantage la balance !
Une curiosité souvent bridée
Mais les surdoués cherchent parfois à étouffer ou à dissimuler leur curiosité pour mieux se conformer à leur environnement. Dès l’enfance, ils comprennent, tant à la maison qu’à l’école, que poser « trop » de questions ne se fait pas. Cela fatigue les parents ou met l’instituteur en difficulté. C’est incompréhensible pour le surdoué, comment peut-on poser « trop » de questions alors qu’il y a tant à découvrir, à comprendre et à modéliser ?
Le même scénario se rejoue plus tard, dans l’environnement professionnel. En réunion d’équipe, ou pire encore en grand groupe, le classique « il n’y a pas de questions idiotes », supposé libérer la prise de parole, ancre au contraire le mot « idiot » dans votre cerveau et n’a pas son pareil pour museler la curiosité. Chacun s’abstient.
Le collaborateur surdoué a bien intégré que poser des questions est parfois assimilé à « remettre en question » et qu’en dépit des belles injonctions à briser le statu quo et à innover, les organisations sont rarement prêtes à entendre toutes les questions.
Comment raviver votre curiosité ?
- Prenez le temps de vous étonner, d’observer. Lorsque vous étiez enfant, vous étiez capable de passer des heures à observer un chantier de construction, l’itinéraire de fourmis ou une mare peuplée de têtards ? Aujourd’hui, comment pouvez-vous nourrir à nouveau cette capacité d’observation, de concentration et retrouver le plaisir de la découverte ? Vous pouvez peut-être vous rendre dans une exposition voisine pendant la pause déjeuner et choisir de ne regarder qu’une seule œuvre et de vous y absorber.
- Osez à nouveau poser des questions. Une fillette de 4 ans pose en moyenne 400 questions par jour (les garçons un peu moins), et vous, combien en avez-vous posées hier ? Faites-en un jeu, dès que vous êtes en réunion, que vous échangez avec quelqu’un ou que vous lisez un article, obligez-vous à (vous) poser plus de questions ! Cela présente de nombreux avantages : les réunions passent plus vite, vous découvrez des éléments intéressants, vous retenez plus facilement ce que vous lisez, vous aidez vos interlocuteurs à faire avancer leur réflexion et ils sont bluffés par votre capacité d’écoute…
- Prenez des notes. Que ce soit en format papier ou électronique, prenez notes de vos étonnements, de vos questions restées sans réponses, de vos observations et revenez-y régulièrement pour les alimenter. Lorsque Léonard de Vinci arrive à Milan vers 1490, il se constitue une « to do list » des points à éclaircir. Inspirez-vous en ! Elle est des plus éclectiques. En voici un extrait :
o Calculer le périmètre de Milan et de sa banlieue ;
o Trouver un livre décrivant les églises de Milan ;
o Trouver les mesures de la Corte Vecchia (place désormais disparue dans le palais du duc) ;
o Demander au maître d'arithmétique Luca Pacioli comment transformer un carré en triangle ;
o Demander au marchand Benedetto Portinari comment les habitants des Flandres se déplacent sur la glace ;
o Dessiner Milan ;
o Demander au maître Antonio où sont positionnés les mortiers sur les bastions de jour et de nuit ;
o Demander au frère Brera de lui montrer le manuscrit De Ponderibus (texte médiéval consacré à la mécanique)
o Examiner les arcs du Maestro Gianetto ;
o Trouver un maître en hydraulique et lui demander comment réparer un canal, une écluse et un moulin à la façon lombarde ;
o Demander les mesures du soleil promis par le maître Giovanni Francese.
Voilà de quoi occuper pleinement son séjour !
- Assumez des centres d’intérêts peu communs aux yeux des autres personnes et qui semblent inutiles a priori. Rien ne vous oblige à suivre les dernières séries à la mode ou à vous passionner pour les résultats de la Ligue 1. Vous aimeriez apprendre l’akkadien ? Certes, cela ne vous aidera pas être promu, mais soyez sûr que cela fera bouger votre vision du monde ! (Si vous ne savez pas où et quand se parlait l’akkadien, à ne pas confondre avec l’acadien, c’est le moment d’exercer votre curiosité !)
- Tirez parti des richesses d’internet. Outre les vidéos de mignons chatons, vous avez à votre disposition des ressources stimulantes sur internet : cours et conférences en ligne, applications d’apprentissage de langues ou de codes informatiques, bibliothèques numérisées, blogs spécialisés, applications d’intelligence artificielle, etc. Aussi curieux vos centres d’intérêt soient-ils, vous trouverez vraisemblablement d’autres personnes qui les partagent et s’emploient à les nourrir. Rejoignez-les, personne ne saura que vous consultez des forums de conversation en latin !
En bref, faites-vous plaisir, retrouvez et ravivez votre curiosité d’enfant !
Recommandation de lecture
Pour rester dans la thématique “Léonard de Vinci”, je vous recommande l’excellent “Léonard de Vinci : la biographie” de Walter Isaacson. On croit bien le connaître, mais vous prendrez réellement la mesure de son génie, terme parfois galvaudé, et de sa capacité à appréhender et à faire progresser n’importe quelle discipline. Si vous aimez les biographies, je vous recommande toutes celles rédigées par ce même auteur, notamment son “Benjamin Franklin”. Vous ne serez pas déçu.
Citation inspirante
La curiosité est une gourmandise : voir, c'est dévorer. Victor Hugo