Êtes-vous un HPI Expert ou un HPI Explorateur ?
Vous avez probablement une préférence pour l'un des deux profils !

J’emprunte cette distinction entre les experts (“divers” ou “plongeurs” dans le texte d’origine) et les explorateurs (“scanners”) à Barbara Sher que je trouve particulièrement éclairante et susceptible de lever bien des sentiments de culpabilité et d’incompréhension.
Elle explique, dans son ouvrage “Je ne veux pas choisir”, qu’il existe globalement deux grands types de préférence dans le domaine intellectuel :
Ceux qui aiment creuser un sujet à fond, les experts. Ils aspirent à se consacrer pleinement à un domaine. Au fil des ans, ils maîtrisent de plus en plus leur sujet jusqu'à en devenir expert. Il s’agit par exemple d’un avocat d'affaires spécialisé dans des montages financiers complexes, d’un ophtalmologue - ce qui est déjà une spécialité en soi - qui choisit de se consacrer principalement au glaucome, etc. L'expert se trouve un champ relativement réduit et prend plaisir à le creuser le plus possible.
Ceux qui aiment travailler plusieurs sujets, que ce soit en même temps ou en séquentiel, les explorateurs. Ils se laissent guider par leur curiosité. Ils vont préférer élargir leur champ de compétences et en contrepartie, renoncer à devenir l'expert de tel domaine. Une amie juriste, au départ spécialisée en droit immobilier, a commencé par exercer quelques temps dans un cabinet de gestion immobilière, puis s’est lancée dans l'événementiel, a publié un roman et anime désormais des ateliers d'écriture. Elle réfléchit aujourd'hui à des projets de maisons à zéro émission carbone.
Des leviers de motivation différents
Les experts et les explorateurs ont des leviers de motivation différents :
Les experts sont motivés par le sentiment de maîtrise. Ils aiment connaître un sujet pointu à fond et ils apprécient de s'y consacrer pleinement. Ils veulent être reconnus pour la profondeur et la précision de leurs connaissances.
Les explorateurs sont motivés par la curiosité et l'apprentissage. Ils sont très à l'aise avec le fait d'être débutants ou amateurs dans un sujet, c'est même ce qu'ils préfèrent ! Ils apprécient de découvrir de nouveaux domaines et cherchent plutôt à être reconnus pour l’étendue de leurs connaissances.
Pourquoi cette distinction est-elle importante ?
Notre culture professionnelle valorise les experts, ceux que l’on peut facilement mettre dans une case : untel est expert en TVA thaïlandaise (exemple véridique), son manager et son responsable RH savent ce qu’ils peuvent attendre, ou pas, de cette personne. Tout le monde s’y retrouve. Pas de zone de flou, l’organigramme est clair, la fiche de poste est limpide et le chemin de carrière tout tracé : il va petit à petit se spécialiser dans la TVA du sud-est asiatique et y former des jeunes embauchés.
Cette situation est un cauchemar pour l’explorateur. Il se sent enfermé dans une case et limité dans son potentiel. Certains explorateurs essaient de jouer le jeu pendant des années puis n'en peuvent plus de se sentir bridés alors qu'il y a tant à découvrir. D'autres peinent à trouver un travail et se heurtent à l'absence de fil directeur dans leurs différents postes, le fameux « fil rouge de la carrière » que le recruteur essaie de discerner dans un cv « trop riche ». Les explorateurs culpabilisent et se sentent inadaptés, comme si le problème venait d’eux ! Certains se font une raison, acceptent de s'ennuyer et de considérer leur emploi comme un job alimentaire.
Les explorateurs sont perçus comme des dilettantes, des personnes qui savent tout faire et rien faire, des généralistes que l’on ne sait pas où caser dans l’organigramme, car il n'existe pas de fiche de poste pour un généraliste. Ils donnent l'impression, souvent fausse, de ne pas aller au bout des choses. En réalité, eux ont le sentiment d'être arrivés au bout de leur sujet et d'en avoir tiré tout ce qu'ils pouvaient.
Y a-t-il un « bon profil » ?
Non, bien sûr ! L’expert et l’explorateur ont chacun leurs qualités et leurs limites !
Si l’expert a une position « facile », car lisible en entreprise, il peut toutefois être limité dans des situations complexes qui nécessitent d’avoir une vision transverse et une compréhension profonde de domaines parfois éloignés du sien. Sa progression risque d’en être freinée et on pourrait finir par lui reprocher son manque de vision globale s’il n’a pas pris soin de sortir un peu de son sujet. L’expert gagnera en pertinence s’il s’attache à mieux connaître les enjeux de ses interlocuteurs et que lui-même leur rend compréhensibles ses propres sujets.
L’explorateur est moins facile à cerner, mais sa capacité à croiser différents domaines le rend particulièrement apte à résoudre des situations complexes et à innover. Mais peut-être que personne ne pensera à le solliciter dans l’entreprise si ses domaines de compétences ne sont pas clairement repérés. À lui de les faire connaître et d’en tirer parti en rejoignant des projets transverses et complexes.
Quel que soit votre profil, tirez parti de vos points forts, rendez-les visibles et lisibles, notamment par des exemples concrets, lors d’entretiens de recrutement ou d’évaluation. Plus votre manager et votre responsable RH comprennent ce qu’ils peuvent attendre de vous et plus avez de chance de trouver un poste pertinent pour vous.
Recommandation de lecture
Si vous aviez besoin d’une autorisation pour explorer les sujets qui vous attirent, la voici !
Je regrette d’avoir découvert Barbara Sher si tardivement, car tous ses ouvrages sont une mine de ressources pour les HPI. “Je ne veux pas choisir” est libérateur pour les HPI de type Explorateur : C’est ok de passer d’un sujet à un autre ou d’en étudier plusieurs à la fois, même sans lien apparent. C’est même plus qu’ok : c’est une opportunité de développer votre potentiel, de mieux gérer des situations complexes et de vous faire plaisir ! L’auteur aide à faire taire la petite voix intérieure ou celle de votre entourage qui vous susurre “Quoi, tu t’emballes encore pour un autre sujet ? Tu n’arrêtes jamais ?” Elle montre tous les avantages que vous avez à vous laisser guider par votre curiosité et elle aide à structurer cette quête infinie pour en tirer le meilleur parti et éviter la redoutable “dispersion”.
Si vous lisez en anglais et que vous êtes en réflexion sur votre trajectoire professionnelle, je vous encourage à lire aussi de Barbara Sher “I could do anything if only I knew what it was”.
Citation inspirante
On apprend toujours seul, mais jamais sans les autres. Philippe Carré